La profession inusitée qu’exerce Christophe Savary pique la curiosité et fascine. On l’imagine fouiller dans des registres poussiéreux, déterrer des secrets de famille ou parcourir le monde tel un Indiana Jones au pays des héritiers perdus. Bien qu’il y ait un peu de cela dans le travail du généalogiste successoral, Christophe Savary est d’abord une ressource qui peut faire gagner du temps précieux au notaire lors du règlement d’une succession.
Ses recherches sont bien sûr simplifiées par les outils électroniques d’aujourd’hui, et il est le premier à le reconnaître: « Je parcourais jadis en moyenne 100 000 kilomètres par année, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. » Le vieillissement de la population et l’éclatement des familles ont toutefois fait naître d’autres défis qui n’ont rien enlevé à la complexité de son travail : « Aujourd’hui, les gens ne se parlent plus, les familles sont souvent recomposées ou ne se fréquentent plus. Autrefois, nos parents pouvaient nommer tous leurs cousins et connaissaient leur lieu de résidence, dit-il. Chez les 20-25 ans, même avec les réseaux sociaux, la situation est tout autre. Plusieurs portent les noms de famille de leurs deux parents, sans qu’on sache lequel est lequel, ce qui nous force à effectuer la recherche en double. » Le nombre croissant de sans-abris, difficiles à retrouver, et qui sont présents dans 10 % des dossiers confiés à l’étude Savary, les familles qui ont changé de nom en émigrant – les Roy devenus des King ou les Lebrun devenus des Brown pour travailler aux États-Unis, par exemple – font aussi partie des écueils auxquels on se bute chez Savary. « Notre tâche est également très difficile quand il s’agit de détenus, poursuit le généalogiste. Nous en avions par exemple retracé un au Québec, puis dans un établissement de la ColombieBritannique, et il a été libéré quelques semaines avant que nous puissions déposer le dossier. » L’ex-détenu s’étant évanoui dans la nature, l’équipe a dû reprendre les recherches.
LA RECHERCHE DE PERSONNES AVANT TOUTE CHOSE
Le généalogiste successoral travaille essentiellement à retrouver des personnes pour régler une succession, mais aussi pour la correction de titres, pour retrouver des liquidateurs, confirmer une descendance… « Et même pour répondre à des demandes parfois farfelues », raconte Christophe Savary. Certains veulent vérifier s’ils ont des ascendants autochtones – pour pouvoir obtenir le statut d’Indien –, d’autres ont entendu dire que leur famille détenait des droits de propriété sur la Place d’Armes, à Montréal, ou sur d’autres lieux connus, et souhaitent se faire confirmer le tout. » Dans tous les cas, le généalogiste a une obligation de résultat. Même si au bout de sept ans, un successible peut être déclaré absent, Christophe Savary dit avoir sur son bureau des dossiers sur lesquels il planche depuis huit et même neuf ans. « Il nous est arrivé de retrouver des gens qui vivaient cachés de leur famille depuis des décennies et qui demandaient que leurs coordonnées ne soient jamais divulguées; certains clients demandent même que la correspondance qui leur est destinée soit acheminée à mon bureau pour leur éviter d’être recontactés par leur famille », explique-t-il. L’annonce d’un héritage à venir se passe bien dans 95 % des cas, et c’est le côté humain de son métier qui passionne le généalogiste. « Je suis un porteur de bonnes nouvelles; j’annonce un héritage, je réunis des familles, je retrouve des parents qui se sont perdus de vue parfois depuis longtemps. C’est l’aspect le plus valorisant de mon travail », conclut-il.
Comment devient-on généalogiste successoral ?
Bien des gens en font une sorte de passe-temps. Ils scrutent la liste des biens non réclamés de Revenu Québec, qui totalisaient près de 350 millions de dollars en 2016, et celle des soldes non réclamés de la Banque du Canada (816 millions de dollars dans environ 2 millions de comptes bancaires) dans l’espoir de retracer des héritiers. Ces généalogistes amateurs ne s’affichent nulle part, et surtout pas dans l’espace public. Une formation de généalogiste successoral est offerte à l’Université de Corse, à Corte, et constitue vraisemblablement la seule du genre dans les pays francophones.
PARLONS D’ARGENT
Les histoires de vieilles tantes éloignées qui lèguent des millions à un neveu ou une nièce appartiennent au cinéma. Dans les faits, l’âge moyen des héritiers est de 60 à 70 ans, la valeur moyenne des successions est de 400 000 à 500 000 dollars et ce n’est pas toujours le pactole pour les héritiers retrouvés : Christophe Savary a déjà dénombré 186 cousins pour un même héritage. « J’avertis toujours les gens de ne pas se lancer dans les dépenses avant que tout soit réglé, et je leur dis qu’ils pourront sans doute s’offrir un bon repas au restaurant ou, au pire, au McDo. » Quant aux émoluments du généalogiste, ils peuvent être établis selon un tarif horaire ou selon un pourcentage de la somme, qui sera rétrocédé à l’étude Savary par chaque héritier – dans ce cas, un contrat de révélation est conclu entre le généalogiste et chacun des héritiers retrouvés. Les honoraires sont alors versés quand le notaire répartit les montants. « Nous ne sommes payés qu’en cas de succès. Si on doit envoyer un certificat de vaines recherches parce que l’héritier est défaillant, si la succession est déficitaire ou que les héritiers y renoncent, nous ne sommes pas rémunérés. »
BIENS NON RÉCLAMÉS
Chez nous, les biens non réclamés remis à Revenu Québec sont versés au Fonds des générations; les successibles peuvent les réclamer à certaines conditions et en fonction du rang qu’ils occupent et de la valeur des biens. Les soldes non réclamés de comptes bancaires et d’autres instruments remis à la Banque du Canada sont conservés durant 30 ans s’ils sont de moins de 1000 dollars et pendant 100 ans s’ils sont supérieurs.
UN RÉSEAU MONDIAL MIS À CONTRIBUTION
Christophe Savary a eu à dresser l’arbre généalogique de personnes ayant des ancêtres en Slovénie, en Russie, en Pologne, en Italie et même en Australie. Il se rappelle avec émotion l’histoire d’un vieil homme séparé des siens depuis l’âge de cinq ans, après être rentré de l’école pour retrouver la maison vide à la suite d’une rafle des nazis durant la Deuxième Guerre. Plus que l’héritage, c’est le plaisir de retrouver des gens de sa famille qui avait fait chaud au cœur de cet héritier âgé. Christophe Savary travaille avec un réseau international de généalogistes, bien au fait des lois et des coutumes locales et, surtout, qui parlent la langue du pays, et il leur rend la pareille en cas de recherches au Canada. Ce réseau solide permet à son étude d’afficher un taux de réussite de 97% pour les quelque 200 à 250 dossiers qui y sont traités chaque année, et ce, même avec des contraintes comme un état civil qui n’existe que depuis 1961 en Grèce, une généalogie essentiellement orale dans les pays africains ou des archives parties en fumée au cours des grandes guerres ou disparues à la suite de catastrophes naturelles.
« Je suis un porteur de bonnes nouvelles; j’annonce un héritage, je réunis des familles, je retrouve des parents qui se sont perdus de vue parfois depuis longtemps. C’est l’aspect le plus valorisant de mon travail. - Christophe Savary »
LA RECHERCHE DE PERSONNES AVANT TOUTE CHOSE
Le généalogiste successoral travaille essentiellement à retrouver des personnes pour régler une succession, mais aussi pour la correction de titres, pour retrouver des liquidateurs, confirmer une descendance… « Et même pour répondre à des demandes parfois farfelues », raconte Christophe Savary. Certains veulent vérifier s’ils ont des ascendants autochtones – pour pouvoir obtenir le statut d’Indien –, d’autres ont entendu dire que leur famille détenait des droits de propriété sur la Place d’Armes, à Montréal, ou sur d’autres lieux connus, et souhaitent se faire confirmer le tout. » Dans tous les cas, le généalogiste a une obligation de résultat. Même si au bout de sept ans, un successible peut être déclaré absent, Christophe Savary dit avoir sur son bureau des dossiers sur lesquels il planche depuis huit et même neuf ans. « Il nous est arrivé de retrouver des gens qui vivaient cachés de leur famille depuis des décennies et qui demandaient que leurs coordonnées ne soient jamais divulguées; certains clients demandent même que la correspondance qui leur est destinée soit acheminée à mon bureau pour leur éviter d’être recontactés par leur famille », explique-t-il. L’annonce d’un héritage à venir se passe bien dans 95 % des cas, et c’est le côté humain de son métier qui passionne le généalogiste. « Je suis un porteur de bonnes nouvelles; j’annonce un héritage, je réunis des familles, je retrouve des parents qui se sont perdus de vue parfois depuis longtemps. C’est l’aspect le plus valorisant de mon travail », conclut-il.
Quelques faits intéressants
- En France, la profession de généalogiste successoral est réglementée et compte de nombreux membres. En vertu du Code civil français, le notaire est chargé de rechercher les héritiers et doit les avoir tous retrouvés pour déposer un dossier; il est responsable s’il oublie quelqu’un. Le recours au généalogiste successoral, sans être obligatoire, y est extrêmement fréquent et sa pratique est encadrée par la Loi du 23 juin 2006 sur la réforme des successions et des libéralités. Chez nous, la profession est peu connue et non réglementée.
- Au Québec, il est possible de déshériter ses enfants, alors qu’en France, il est impossible de le faire, en vertu de la notion de réserve héréditaire, qui prévoit que chaque enfant a droit à une part minimale d’héritage.
- En France, le généalogiste peut remonter jusqu’au sixième degré dans ses recherches, comparativement au huitième degré au Québec.